Je suis allé voir Napoléon, de Ridley Scott.
Je ne m’étalerai pas sur l'œuvre. Officiellement, pour ne pas gâcher le plaisir des futur·es spectateur·rices. En réalité, parce que j’en serais incapable, vu que j’ai oublié la majeure partie de ce bazar après une nuit de sommeil.
Du coup, si vous souhaitez aller voir Napoléon, revenez à cette publication une fois la séance terminée.
***
Je m’attendais à être déçu, mes attentes étant irrationnelles.
Ce n'est pas de ma faute… La fois précédente où Ridley Scott a tourné avec Joaquin Phoenix, ma vie avait basculé.
Flashback !
Cette soirée de juin 2000, à Dijon, j’avais neuf ans.
D’abord, on a mangé au Flunch un soir de semaine avec mon père et mon frère S. Ce seul argument aurait pu rendre la soirée notable. Cependant, je savais qu’on allait au cinéma Le Darcy ensuite, voir un film de 2H30…
Mes parents ont toujours adoré le cinéma, mais pour nous éviter de nous buter aux dessins animés, il s’étaient privé de films et de télé jusqu’à mes huit ans.
Ça faisait donc un an et demi environ que mon père avait commencé à rattraper le temps perdu en nous montrant un tas de films trop complexes, ou trop datés pour notre âge.
Ce soir-là, mon père nous avait prévenu que c’était important, parce c’était le réalisateur d’Alien, de Blade Runner et de 1492. N’ayant pas encore vu Depardieu découvrir l'Amérique, ça me passait au-dessus. J’avais vaguement entendu parler de gladiateurs et ça suffisait. Arrivés au guichet, j'ai cru que le plan allait capoter…
L’OUVREUSE : Vous savez que c’est un film interdit au moins de douze ans ? Il y a de de la violence. Il a quel âge le petit à lunettes là ? Sinon il y a aussi Jet-Set de Fabien Onteniente…
MON PÈRE : C’est bon, il est avec moi.
J’ai trouvé cette phrase très cool, même si vingt-quatre ans plus tard, je n’ai encore jamais eu l’occasion de la prononcer à bon escient pour faire entrer quelqu’un quelque part…
J’ignorais en 2000, qu’un enfant pouvait à peu près tout faire, à l’époque, si ses parents disaient : “C’est bon, il est avec moi”.
Dieu soit loué, mon père n’aimait pas l’alcool et adorait le cinéma.
On est entrés dans la salle, on s’est assis, et… J’en ai pris plein la gueule dès la scène d’exposition.
Un type en fourrure qui mène au combat une armée incroyable, pour tailler en pièces des Allemands du IIe siècle, sur une bande-son épique à souhait. Des romains qui parlent anglais. De la bagarre, du sang. Des trahisons. Des fauves ! Encore plus de bagarre. Une main coupée, une tête coupée, un torse coupé. De la flûte de pan et un adversaire comme je n’en avais jamais vu.
Un tourbillon.
Russell Crowe, Joaquin Phoenix, Hans Zimmer… Ces noms se sont imprimés dans ma rétine.
Dès la sortie de la séance, j’ai su que Gladiator serait mon film préféré pour la vie. Peu de temps après, j’ai acheté un poster qui est resté des années dans ma chambre. Je ne suis pas un cas isolé, nous sommes des millions nés entre 1986 et 1990.
Vous, c’est quoi vos inspirations ciné de jeunesse ? Dîtes-nous tout !
Avec du recul, je sais que Gladiator est l’archétype du blockbuster hollywoodien. C’est ultra manichéen, anachronique, historiquement faux sur quasi toute la ligne, mais qu’importe, c’est une merveille.
Lorsque j’ai eu l’occasion de revoir le film au cinéma, il y a quelques années, l’émotion était toujours là, et une fois de plus j’ai eu l’espoir que Maximus s’en sorte.
C’est peut-être ça un chef-d’œuvre. Un film qu’on regarde à chaque fois avec un œil neuf, en se laissant surprendre par une histoire que l’on connaît par cœur.
Je vis la même chose, quand Pacino flingue De Niro, au bord de cette piste d'atterrissage, à la fin de Heat, ou que Santino se fait dessouder au péage dans Le Parrain. Ces films-ci, comme Barry Lyndon, Raging Bull et tant d’autres, je pourrais les revoir à l’infini.
Je crois cependant que le fait de les avoir découverts à la télévision avant de les revoir sur grand écran, change la donne. Une expérience cinématographique d’enfance provoque un sentiment particulier. On le poursuit ensuite, mais il se raréfie.
Il m’arrive même de me demander, devant certains films, si j’ai passé le temps de l'émerveillement... Mais je crois plutôt qu’on nous sert un paquet de daubes.
Avec le temps, l'œil s’affine et les exigences avec. De l’action et de la belle musique ne suffisent plus, j'attends désormais d’être touché. Et même si ça fait connard de le dire, j’entend techniquement touché.
Que ce soit par le jeu des acteurs·rices, la mise en scène, le scénario, le montage ou la photographie, témoigner d’une technique maîtrisée ne fait qu’ajouter à mon plaisir.
Je ne vais pas voir des films pour passer le temps.
Je ne peux plus me satisfaire d’un film exclusivement récréatif.
Parce que ce monde laisse peu de place aux poètes, et que les quotidiens de nos villes et de nos âmes sont trop souvent moroses.
Parce que je nomme “Divin” l’expression de la beauté sous toutes ses formes, et parce que c’est un peu l’une des seules raisons valables de rester en vie, la beauté.
Parce que sinon ça voudrait dire que je suis le seul benêt qui n’a rien compris…
Pour ces raisons, drame ou comédie, je veux rêver et être traversé.
J’exige que rien ne soit retenu et qu’on me donne tout, car moi je donnerai tout.
Je rirai à gorge rompue. Je me mettrai en colère et en question. Je pleurerai aussi, avec joie.
Il y a certainement des films qui changeront ma vie, que je n’ai pas encore rencontrés. Mais il y a des amitiés que je compte entretenir.
Je repartirai donc à la conquête du Graal avec les Monthy Pythons, et du nez de Cléopâtre avec Alain Chabat. J’arpenterai à nouveau les rues du Lower-East-Side avec Noodles, et j’aiderai encore Joaquin à retrouver l’alliance de Gwyneth sur cette plage.
Joaquin Phoenix… On y revient. Je reverrai tous ses films, parce qu’avec De Niro, Pacino, Jim Carrey ou Buster Keaton, il est de ceux qui m’ont donné envie de toucher les gens.
Je ferai tout pour ne pas la perdre cette amitié-là, malgré le long métrage sur-produit et sur-anecdotique dans lequel je l’ai pris la main dans le sac, il y a quelques jours.
En amitié, on se remet des incompréhensions.
“Celui qui n’est plus ton ami ne l’a jamais été” dit le proverbe.
Ridley Scott, lui ça fait déjà quelques années qu’on est moins potes, mais avec du recul, c’était plutôt l’ami de mon père.
Je ne reverrai donc pas Napoléon, à qui je préfère de loin son grand frère manichéen, anachronique et historiquement faux sur quasi toute la ligne. Celui qui nous raconte l’histoire du général devenu esclave… Esclave qui devint gladiateur et gladiateur qui défia un empereur.
À Maximus Decimus Meridius, commandant en chef des armées du Nord, Général des légions Félix, fidèle serviteur du vrai empereur, Marc Aurèle... Cette soirée de juin 2000, au cinéma Darcy, à Dijon, alors que mon père avait décidé de m’amener voir un film trop violent pour mon âge, tu as existé pour de vrai, et tu as changé ma life.
B. KOOLS







Sans hésiter, Moulin Rouge. Il n'a fait que confirmer que je voulais faire du montage, comme tous les films de Baz Luhrman <3
Un flic à Beverley Hills - The Mask et pour finir Jurassic park